L'homme de la scierie
Le plus désagréable dans l'aventure de Chalfour c'était que les copains et les gens du village s'obstinaient à le considérer comme un mort ou un déterré, ce qui n'était pas tout à fait ine¬t, mais discourtois. Il fut sensible à ces manières imbéciles, et il se répétait souvent qu'on verrait ce qu'on verrait, et il priait tout de même le ciel de ne pas permettre qu'il soit tout à fait mort. La vallée était magnifique en ce mois de juin. Quoi donc pouvait arriver encore ? »
"L'Homme de la Scierie", un roman d'André DHÔTEL, Gallimard (Paris), 1950, 412 pages — réédition aux éditions Sous le Sceau du Tabellion (Caluire et Cuire), 2020, 430 pages.
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« Des hauteurs de Marcoux, elle voyait la profondeur sans fin des marais, les taillis et les bois de peupliers qui environnaient la Seine… Eléonore entreprit de visiter les marais avec leurs chemins peuplés de ronces, de cornouillers, de merisiers et de pruniers sauvages. Malgré sa robe longue qui l’embarrassait, elle pénétrait dans ces halliers qui couvraient parfois deux à trois hectares. Après des heures de marche difficile, elle parvenait à de curieuses clairières que personne ne visitait. »
Quelques mots sur « L’Homme de la Scierie »... Ce roman est l’un des plus longs d’André Dhôtel. Et, alors que la plupart de ses œuvres se déroulent dans un temps imprécis, et sur une période assez courte – quelques années –, nous avons ici toute une fresque qui s’étend de 1884 à 1920, et qui suit la vie de deux personnages particuliers, Henri Chalfour et Eléonore Joras, de leur enfance à la cinquantaine...
[extrait d'un article paru dans les "Cahiers André Dhôtel", numéro 4, "Les Lieux d'André Dhôtel"]
" Si le monde de Dhôtel est marginal, il s'agit d'une marge plus grande que la page."
Jean GROSJEAN