Que serait-il arrivé si Hitler avait gagné la guerre ? La question a été souvent posée — avec un frisson rétrospectif — mais les réponses sont restées évasives.

Aujourd'hui, Albert Speer, qui fut le ministre de l'Armement de Hitler, nous apporte une réponse, fondée à la fois sur ses souvenirs personnels et sur l'étude des archives inédites de la S. S. Le rêve de Himmler, approuvé par Hitler, aurait été de créer, à l'écart de l'Etat, un véritable empire économique S. S. que des millions d'esclaves, murés dans les camps de concentration, auraient contribué à bâtir. En temps de paix comme en temps de guerre, l'Allemagne nazie serait devenue ce que Speer appelle un « Etat négrier ». Le « Reichsfùhrer S. S. » mit tous ses efforts, toutes ses intrigues au service de ce projet délirant, qui sombra dans l'échec. Echec dû à l'incompétence, à la corruption, aux rivalités intestines. Echec dû aussi à la folie raciste des S. S. qui, en poursuivant le génocide des juifs, allaient à l'encontre de leurs propres buts économiques. Parfois, la tragédie tourne à la bouffonnerie, lorsque Himmler mobilise les chercheurs sur des idées chimériques, qui vont de l'extraction du pétrole à partir des racines de sapin jusqu'à celle du caoutchouc à partir de la dent-de-lion ou des pissenlits... Albert Speer qui s'opposa à ces utopies — sans dissimuler qu'il agissait alors moins par humanitarisme que par souci de l'efficacité — nous livre ici un nouveau et irremplaçable témoignage qui se situe, pour reprendre le titre d'un de ses livres, Au cœur du IIIe Reich et qui met pour la première fois en lumière le sort que l'Allemagne nazie aurait réservé à une Europe vaincue.