Karain
Il faudrait être fermé au sens des mots pour ne pas entendre dans cette musique plutôt froide et sombre, imprégnée de réserve, d'orgueil, d'une intégrité immense et implacable, combien il est préférable d'être bon plutôt que mauvais, que la loyauté est satisfaisante ainsi que l'honnêteté et le courage, alors qu'"apparemment" Conrad ne se préoccupe que de nous montrer la beauté d'une nuit en mer." Virginia Woolf."Karain, fier et massif, avait une attitude altière et respirait avec calme.[...] Il était décoratif et troublant, car on ne pouvait imaginer quels abîmes de néant une façade aussi élaborée était capable de dissimuler. Il n'était pas masqué - il y avait trop de vie en lui, et un masque n'est qu'une chose inanimée ; mais il avait essentiellement l'apparence d'un acteur, d'un être humain agressivement déguisé. [...] Nous apprîmes à bien connaître son théâtre - le demi-cercle pourpre des montagnes, les arbres élancés courbant la tête sur les maisons, les sables jaunes, le vert torrentueux des ravins. Tout cela avait des tons crus et mêlés, une ressemblance presque eÎssive avec le décor d'un tableau, son immobilité douteuse ; et cela s'accordait si bien au jeu parfait des affabulations étonnantes de Karain que le reste du monde semblait définitivement séparé de ce spectacle grandiose. Il ne pouvait rien exister ailleurs. Comme si la terre, poursuivant sa rotation, avait laissé seule, dans l'espace cette miette de sa surface.