Journal (1939-1940) : Philosophes et voyous
La partie du journal intime de Raymond Queneau qui est aujourd'hui présentée au public ne constitue un tout que par la contrainte des événements extérieurs : ce que Roland Dorgelès appela « drôle de guerre», c'est-à-dire la période 1939-1940. A l'origine elle fut écrite sans idée de publication. Il s'agit d'un mémorial personnel vécu su jour le jour. Presque toute sa vie Queneau a consigné ses réactions quotidiennes. La sincérité et le primesaut font la valeur de ces pages, très étonnantes pour les lecteurs des poèmes et des romans, où Queneau -homme très secret ne se livrait pas. Au moment où le monde va basculer dans la guerre, Raymond Queneau est un auteur indépendant en vive réaction contre le surréalisme de sa jeunesse, dont il a fait une description amusée mais sévère dans Odile. Il fréquente la revue Transition dirigée par Eugène Jolas, et il envisage de devenir professeur de l'École bilingue où l'on enseignait en français et en anglais, fondée à Neuilly par le poète et sa femme Maria Jolas. Son idéal littéraire est en 1939 celui d'un classicisme «langagier» à la manière de Joyce. Poète, il se sent proche de Max Jacob, il collabore à la revue d'un ami et collaborateur des Jolas, Georges Pelorson, Volontés.