Jean Sbogar
Elle aperçut, au pied du siège de petites tablettes de cuir de Russie. Elle s'en saisit et les ouvrit avec empressement. Elles ne renfermaient qu'une douzaine de pages éparses, tracées tantôt avec un crayon, tantôt avec une plume. Deux ou trois de ces lignes étaient écrites avec du sang :
- Tuer un homme dans le paroxysme d'une passion, cela se comprend. Le faire tuer par un autre en place publique, dans le calme d'une méditation sérieuse et sous le prétexte d'un ministère honorable, cela ne se comprend pas.
- Une chose effrayante à penser, c'est que l'égalité, qui est l'objet de tous nos voeux et de toutes nos révolutions, ne se trouve réellement que dans deux états de l'homme, l'esclavage et la mort.
- Donnez-moi une force qui ose prendre le nom de loi, et je vous montrerai un vol qui prendra le nom de propriété.
- La liberté n'est pas un trésor si rare : elle est dans la main de tous les forts et dans la bourse de tous les riches.
- Tu es maître de mon argent, et je le suis de ta vie. Cela ne nous appartient, ni à toi, ni à moi. Rends, et je laisse.
Entre les Dolomites et Venise, entre le brigand et le grand seigneur balance le cœur d'Antonia !
Et si c'était le même…
Avec "Jean Sbogar", le romantisme noir fait une entrée fracassante dans les lettres françaises. Mais, à travers le mélodrame, perce une leçon de politique que les révolutionnaires de 1848 n'ont pas ignorée.
Ce roman a paru pour la première fois en 1818, sans indication d'auteur.