On ne peut pas dire que dans i.f. suite et fin, Régis Debray vole au secours des intellectuels. Il aurait plutôt tendance à en composer un portrait noir et extrêmement critique. La cause des intellectuels est, de l'avis de Régis Debray, parfaitement dévoyée. Les intellectuels d'aujourd'hui n'ont plus rien en commun avec leurs aînés. Ceux qui en 1898 s'étaient engagés à défendre Dreyfus, les premiers qui ont fait naître une conscience intellectuelle nationale, agissaient en toute connaissance de cause, avec raison et courage. Un intellectuel génération 2000, c'est tout le contraire. Un professionnel de la "com", dit Debray. Un jargonneur à patente, un procureur déguisé, un "instrumenteur instrumentalisé", un accro de la rubrique éditoriale, un publiciste assidu et, en dernière analyse, un marchand. Régis Debray n'a pas assez de mots et d'expressions fleuries pour exprimer sa colère. Ultime sobriquet qu'il trouve pour désigner l'intellectuel contemporain : l'I.T. L'"Intellectuel terminal". Comprenez que l'Intellectuel terminal pourrait bien être la dernière métamorphose de l'intellectuel français avant sa disparition définitive. i.f. suite et fin ne lance pas un pavé dans la mare mais un coup de poing dans la glace, dans le miroir déformant de la médiatisation. Essai enragé qui met en garde la confrérie des intellectuels contre le vide et la pose de son discours. --Denis Gombert