Faut faire le million
Avec Faut faire le million, quatrième volet de son implacable autofiction Gilles Rochier rentre dans le dur.
Dur comme l’époque qui nous transperce, agitée de précarité et de violence…
« On n’a plus les bras ni les jambes, ni même l’esprit pour imaginer du meilleur à venir, chaque question devient une angoisse. À force d’avoir la misère comme décor, ça déborde. On ne voit plus au-delà, avec la trouille d’être dedans jusqu’au cou. On tente les vieux codes d’avant, on tente d’avoir des principes, des règles de vie pour tenir le terrain. Rien n’y fait. »
La condition de déclassé balaie tout. À subir tant les affres du temps que la crise économique, les relations amicales ou amoureuses tournent au tragique, les discussions entre potes virent rapidement à la confrontation. Chacun.e se barricade dans des illusions rassurantes. L’espoir de s’en sortir semble ne plus tenir qu’à une grille de loto ou un business foireux. Gilles n’y échappe pas. Tout l’énerve, tout le contrarie.
La mort sordide d’un ami d’enfance est la mèche allumée de trop. Il n’a plus l’âge d’une bonne dépression et entre dans une introspection comme on résoudrait une énigme, cherchant les mots à dire à son pote défunt. Pourquoi lui est toujours vivant et pas son ami. Entre déni, mythomanie et prise de conscience de l’échec, ce nouveau volet de la vie des quartiers, point d’ancrage du travail autofictif de l’auteur, pointe sa mire avec lucidité et réalisme sur le monde urbain actuel et sur la génération X qui s’y noie.