Écrits intimes

Eugene Guillevic

Écrits intimes
96 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
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Dans la décennie qui précède la publication de Terraqué, Guillevic – encore un inconnu, un apprenti – s’adonne à une forme d’écriture intime vouée à céder ensuite entièrement la place au poème. Ces notations discontinues, très personnelles, recueillies dans des carnets ou sur des feuilles volantes, relèvent tantôt de l’entrée de journal, du fragment introspectif, de la chose vue, de la note de lecture, de la tentative critique ou de l’essai de poème. Retour ligne automatique

Appelé à être complété par la publication de l’ensemble des poèmes écrits entre 1924 et 1939, ce recueil en grande partie inédit met au jour la sourde pulsation d’un travail quotidien sur soi en vue d’une accession à la vocation poétique. Grâce à lui, nous saisissons mieux d’où vient l’œuvre, c’est-à-dire non seulement le tourment dont elle a procédé, mais l’immense effort de maîtrise qu’elle a requis. S’il est vrai qu’on ne naît pas, mais qu’on se reconnaît poète, on peut dire qu’on assiste ici au devenir de Guillevic.

ne naît pas poète, il le devient – et ses journaux nous plongent

dans le mouvement, dans les affres même, de ce devenir. Aussi

saisissons-nous mieux d’où vient l’œuvre, non seulement le tourment mais l’immense et tenace effort de maîtrise sur soi dont elle

émerge. «Remuer l’humus […] / Pour trouver la source », déclare

l’auteur dans un autre carnet daté de l’été 193228, et greffé sur les

efforts de l’apprenti poète tiraillé entre la hantise de la mort et

l’envie de (se) vivre à plein, c’est, toujours en amont de l’œuvre, ce

même creusement que les journaux proposent aujourd’hui au lecteur soucieux, pour autant que ce soit possible, d’un portrait plus

« entier », plus « intégral ». «Feuillets […] suppressibles à l’infini »,

selon Barthes 29, mais pages que Guillevic lui-même a soigneusement conservées, tournées comme elles sont depuis le début vers

cet « embryon de définitif » qu’il évoquera bien plus tard dans son

Art poétique (1989) 30, et qui désignerait, comme la seule fin envisageable du poème, le fidèle maintien d’une éclosion, la courbe

ascendante d’un mûrissement qui ne pourra jamais en finir.

Michaël Brophy

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