Désobéir
Dans ce nouvel essai, Frédéric Gros n’entend pas analyser des séquences historiques de désobéissance, même s’il s’appuie, en leur redonnant vie et sens, sur des figures et des textes qui les ont marquées : Antigone, David Thoreau, Le Grand Inquisiteur.... Il cherche à comprendre l’urgence qu’il y a aujourd’hui à réapprendre à désobéir. L’actualité nous montre, qu’il s’agisse des lanceurs d’alerte (affaire Snowden) ou des manifestations de résistance collective (occupy wall street, parapluies de Honk Kong, Nuit debout), le surgissement de nouvelles formes de désobéissance. Il s’agit donc de replacer l’acte de désobéir au cœur de l’humanité et des démocraties. Mais cette étude suppose un détour par l’obéissance, en repartant du cri de scandale de La Boétie face à l’énigme monstrueuse du politique, qui est celle de notre capacité à accepter l’intolérable, à supporter l’indécence croissante du monde. Pour comprendre ce qui nous fait obéir, il faut d’abord comprendre ce qui distingue la soumission, le conformisme, le consentement, l’obligation, la subordination... Ce n’est qu’alors que nous pourrons saisir la variation des formes de désobéissance : révolte, rébellion, transgression, désobéissance civile, dissidence civique... Poser la possibilité de désobéir à la racine du sujet politique est l’ambition de ce livre, qui s’attache à désamorcer, à démystifier toutes nos raisons d’obéir, à partir du renversement des monstruosités. Alors que tous les traités d’éducation ont longtemps répété que l’humanité ne venait à l’homme que dans et par l’obéissance – la désobéissance signifiant toujours le réveil en lui de la sauvagerie anarchique –, l’histoire du XXe siècle a produit la figure des monstres d’obéissance ; que l’on pense par exemple au procès Eichmann ou aux expériences de Milgram. Dans de telles conditions, désobéir, ne serait-ce pas le seul moyen de réinventer l’humanité ?