Clochemerle-Babylone
Le village de Clochemerle après des jours brûlants a retrouvé son calme. Seul Tistin, le fainéant, se distingue par sa nonchalance et sa belle humeur. En effet, Baptistin Lachaud est incontestablement le plus paresseux des habitants de Clochemerle. Ne se voyant proposer que "du travail infect et humiliant", Tistin préfère passer son temps à le regarder filer, entre deux parties de pêche et de chasse... Ce qui ne l'empêche aucunement d'être heureux, souriant, gai comme un pinson et... pas du tout gêné de ne rien faire ! Il faut dire aussi qu'il est logé chez la généreuse Babeth, qui lui mitonne de bons petits plats avec ce qu'il braconne dans les bois. D'ailleurs, Tistin se fait surprendre avec un lièvre par le garde-chasse Beausoleil. Pour garder son futur repas, Tistin propose d'inviter Beausoleil à déjeuner prochainement. Lequel accepte mais à une condition : la chasse au lièvre étant prohibée ces temps-ci, Tistin l'invitera à manger un civet de lapin... A table, Beausoleil joue les importants : "Moi, je suis un personnage à Clochemerle. Tandis que toi, tu finiras clochard !" Désireux d'avoir, lui aussi, une situation, Tistin veut demander sa carte officielle de chômeur. "Tu es fou ! répond Beausoleil, Clochemerle est la seule commune de France qui peut se vanter de ne pas avoir de chômeurs ! - Eh bien, il y en aura un !" Au secrétaire de mairie Tafardel, Tistin revendique "le droit à l'indemnité du malheur". Mais le fonctionnaire zélé lui réplique que Clochemerle n'a pas un kopeck pour ce droit ! Réponse de Tistin : "C'est honteux que la commune d'un sénateur de gauche n'ait pas de fonds de chômage..." Tafardel lui demande alors quel travail il aimerait accomplir : "Un emploi d'inspecteur pour surveiller le travail des autres. Et qui ne commencerait pas trop tôt le matin..." Examinée lors du conseil municipal, la demande de carte de Tistin est acceptée avec l'appui (intéressé), du sénateur-maire Piéchut, qui veut entrer dans le prochain gouvernement. Piéchut est convaincu qu'elle "placera Clochemerle à la tête du progrès social..." Tout fier de montrer sa belle carte de chômeur patenté à ses concitoyens, Tistin constate qu'elle suscite partout colère et jalousie : "Mais je suis fonctionnaire comme toi ! dit-il à Beausoleil. Eh oui, nous sommes tous les deux payés par l'Etat : toi pour travailler ; moi à ne rien foutre !" Et Beausoleil de le menacer : "Prends garde que je ne te prenne pas à travailler !" Cette mise en quarantaine, Tistin la mesure le jour de la fête du village où il boit plusieurs verres au café avec la scandaleuse Zozotte, une dame de petite vertu et qui ne s'en cache pas... Vexés d'être méprisés, les deux parias boivent au-delà du raisonnable puis s'offrent un tour de manège devant des dizaines de badauds choqués de voir une putain et un chômeur prendre sans vergogne du bon temps au milieu des travailleurs et des femmes honnêtes... Les autorités morales du pays - Tafardel pour les laïcards et Clémentine Chavaigne pour les catholiques - manquent de s'étouffer d'indignation devant pareil spectacle ! Le lendemain, ayant eu vent de ce scandale, le nouveau curé, le successeur de Ponosse, remonte - affectueusement - les bretelles de Tristin : "Les femmes t'en veulent, Tistin. Normal : leur mari travaille dur et toi tu te tournes les pouces !" Et d'ajouter : "Si le pauvre a l'air heureux, les riches ne peuvent pas le supporter !" Une solution "Alors, trouve une solution ! poursuit le curé. J'aime les bougres qui tranchent sur l'ordinaire et tu en es un ! Malheureusement, tu es en train de perdre la partie et je n'aime pas miser sur les perdants." Tistin promet "d'améliorer les choses". D'ailleurs, une vieille villageoise a du mal à pousser sa brouette. Tistin lui propose ses bras, ce qu'elle accepte bien volontiers. Puis il va installer une bonbonne de gaz chez une autre mère de famille. Il joue ensuite la nounou, avec un nourrisson dans les bras, qu'il garde jusqu'à l'arrivée de la maman... Tistin travaille, c'est une révolution ! Et ça n'arrête plus ! Bref, en quelques jours, enchaînant les petits travaux d'entretien de la maison, le chômeur sait se rendre indispensable à toutes celles qui le maudissaient la veille quand il se tournait les pouces... Babeth, sa logeuse, gère ses rendez-vous et le chômeur commence à gagner de l'argent. "Te voilà capitaliste !" lui lance-t-elle en le voyant compter ses sous. "A ta place, j'irais déposer cet argent à la banque !" Réponse de Tistin : "A la banque ? Chez des gens que je connais pas !" S'il soigne aux petits oignons toutes ses clientes, Tistin bichonne tout spécialement une jeune veuve dont il est amoureux, Jeannette Machurat. Même le jour du Seigneur, il accepte de régler un problème de fuite d'eau : "Pour un bon chômeur, lui dit-il, le dimanche n'existe pas et il le met à votre service, Madame Jeannette." Ce régime de faveur agace les autres clientes : "Il faudrait pas que cette Jeannette nous pique notre chômeur ! C'est pas parce qu'elle est veu