Charb n'aime pas les gens. Chroniques politiques 1996
LES DÉBATS SUR LA SÉCURITÉ sont bien pratiques. La sécurité permet au plus nul des élus, au plus lamentable des politiques de se faire applaudir par le populo. Plus il y a de flics, plus ils tapent fort et moins il y a d'insécurité. Voilà le théorème simpliste récité par le gouvernement et l'opposition. On veut nous faire croire que les problèmes d'insécurité, ça fait appel au bon sens, mais surtout pas à la politique. Pourtant, la sécurité, la manière dont on l'envisage et, surtout, la manière dont on essaye ou pas de la garantir, ce n'est que de la politique. La fréquence même à laquelle est prononcé le mot sécurité, c'est de la politique. Aucun homme politique n'est assez bête pour vraiment penser que la sécurité se garantit en arrosant de pognon la flicaille. Et pourtant, les gouvernements arrosent, et sans discuter. Combien de mois les cheminots ou les enseignants devraient-ils faire grève pour obtenir ce que les policiers obtiennent ? Comptons plutôt en années. Si les gouvernements sont si généreux avec la police, c'est parce que ça lui coûte toujours moins cher de lui payer des gilets pare-balles, des voitures de course et des primes à la noix que de mener les longues et chères réformes économiques et sociales qui seraient à même de réduire ce " sentiment d'insécurité " qui a fait son nid dans le crâne des Français. On a bien dressé les gens, de manière qu'ils ne fassent surtout plus le lien entre chômage, éducation, consommation, économie et sécurité. Une société sécuritaire, c'est plus facile à mettre en place qu'une société juste. Mais voilà, dire cela est ringard, utopiste, et dangereux.