Chants
Vers 1816, au fin fond d'une province pontificale d'Italie du Nord, un jeune homme mélancolique, pétri de lectures érudites, s'apprête sans espoir à l'«oeuvre de sa vie». Ce jeune homme, c'est Giacomo Leopardi. Il écrit des poèmes renouant avec la plus haute tradition italienne, celle qui remonte à Pétrarque et au Tasse : en 1831 paraît la première édition des Canti. De la véhémence des premières canzones (A Angelo Mai, Brutus) aux méditations nocturnes des idylles (L'Infini, Le soir du jour de fête, A la lune), en passant par les grands poèmes philosophiques (Le genêt), le poète chante la solitude et l'exclusion, le temps répétitif et destructeur, le destin et la perte... Tour à tour élégiaque et révolté, nihiliste et exalté, Leopardi inaugure une forme nouvelle de lyrisme - un lyrisme décanté de toute mièvrerie : du moi au nous, sa voix déplore au nom de tous la souffrance d'être. «On peut dire de la poésie lyrique qu'elle est la cime, le comble, le sommet de la poésie, qui est elle-même le sommet du discours humain», écrivait-il dans son grand journal intellectuel, le Zibaldone. Ce recueil d'une noire beauté inspira des esprits aussi divers que Schopenhauer, Sainte-Beuve, Musset, Nietzsche, Laforgue, et, plus récemment, Walter Benjamin ou Giuseppe Ungaretti.