Ceux qui vont mourir
Paul M. Marchand, journaliste, reporter de guerre au Liban puis dans l'ancienne Yougoslavie, est l'auteur d'un livre chez Florent Massot : Sympathie pour le diable (1998). « Couché dans mon sang... Je me dissous, intoxiqué par des métaux dépréciés. Je n'ai même pas entendu les détonations. Des cristaux d'ombre se nattent et marbrent mes rétines. Je voulais être debout et avancer dans les plaies éblouissantes des rafales. Je voulais être debout et la tête à l'envers me sentir choyer par les balles carnivores. » La route qui mène à l'aéroport d'une ville assiégée d'Europe de l'Est. Un sniper tire, sa balle folle percute le narrateur, reporter trompe-la-mort, dont la voiture s'orne d'une inscription bravache : « Morituri te salutant. » Ceux qui vont mourir... Alors, à flots bouillonnants, comme le sang, le passé revient. Voici Dov et Eytan, les frères solaires d'une autre guerre, Tarek, l'enfant qu'il n'a pas connu et à qui il écrit des lettres orgueilleuses et tendres, Boba, l'amie de l'Est, aux yeux noirs. Voici l'ennemi, aussi, le sniper pleutre qui refuse le duel. Roman eÎssif, romantique, incandescent, qui obéit au code de l'honneur. Roman lyrique, à la fois hymne à la mort, et chant de vie, avant qu'elle ne s'éteigne. Roman-reportage aussi, gagé sur l'observation du réel, même si l'auteur s'en défend, où l'on a tiré à balles sifflantes, du Liban aux Balkans, d'une civilisation à l'autre. La guerre n'aura pas lieu ? Ici, elle coule dans les veines de chaque personnage. Paul M. Marchand écrit comme on fume un dernier cigare dans la nuit. Cela crible, fuse, perce, miaule, illumine. Ses phrases défient la raison, la bienséance, la prudence.