Au plus près
Ce livre est une suite de courts récits qui évoquent la navigation à la voile. Rédacteur du Cours de navigation des Glénans, Jean-Pierre Abraham est probablement le seul grand écrivain français qui ait jamais évoqué de façon à la fois poétique et technique ce que peut être l’art de naviguer et la nature du plaisir qu’on en reçoit. Ici, il tient, comme il l’avait fait quand il était gardien de phare à Armen, la chronique de ses derniers parcours, de ses nuits à la barre, des relations qu’il noue avec les marins qui l’accompagnent et du temps qu’il fait. L’écriture, comme toujours, est d’une grande maigreur et d’une grande force. Comme les vrais littérateurs passionnés de mer, Abraham exploite et détourne la terminologie de métier pour en faire un usage à la fois poétique et savant. On peut considérer ce livre comme une sorte de manifeste esthétique de celui qui restera probablement le plus grand écrivain de mer de ces cinquante dernières années. Naviguer au plus près, c’est chercher l’angle le plus aigu avec le vent, la route la plus difficile et la plus courte, sachant qu’elle ne saurait être droite. Belle définitivion de l’art d’écrire, de l’art de vivre, aussi. En 1956 un jeune inconnu donne à Jean Cayrol, aux Éditions du Seuil, un récit intitulé Le vent. La critique s’enthousiasme, Claude Mauriac salue « un nouveau grand Meaulnes qui esquisse des Vermeer ». Puis l’auteur se tait pendant dix ans et, en 1967 paraît Armen, chronique d’une vie de gardien de phare au large de l’île de Sein. Toute la vie d’Abraham est ainsi faite de longs silences et de brèves publications, hormis Le cours de navigation des Glénans dont il a été le principal rédacteur. Mort subitement en juillet 2003, Jean-Pierre Abraham avait eu le temps d’achever ce dernier manuscrit, Au plus près. Jean-Pierre Abraham a une double réputation : celle d’un écrivain culte (il suffit de relire la presse qui a salué son décès) et celle d’un eÎptionnel écrivain de mer. Il peut donc figurer aussi bien chez les libraires à la rubrique mer qu’à la rubrique littérature. Nul doute qu’un hommage sera rendu à Jean-Piere Abraham lors du prochain festival Étonnants voyageurs. De la même manière, les grandes fêtes maritimes qui sont organisées tous les quatre ans à Brest et Douarnenez, la semaine du 14 juillet, et qui rassemblent un million et demi de personnes, vont lui accorder une place toute spéciale.