Alva & Irva
Pour la critique et les lecteurs des deux côtés de l’Atlantique, la découverte d’Edward Carey (L’Observatoire, Phébus, 2002) fut une révélation un peu magique. On pouvait encore écrire, par ces temps abonnés à tous les minimalismes, en laissant son imagination battre largement la campagne, en courant même le risque de paraître un brin dérangé –mais Lewis Carroll, Tolkien, Calvino, Mervyn Peake, Perec (auxquels on a comparé tour à tour le jeune écrivain anglais) n’ont-ils pas ouvert le chemin ?
Carey persiste donc, et signe ici un deuxième roman du même tonneau, sans consentir à mettre la moindre goutte d’eau dans son vin.
Deux sœurs jumelles que rien ne distingue à l’œil et qui partagent tout –amours comprises– s’arrangent pour vivre à deux, dans une harmonie fusionnelle, les multiples contradictions du réel. Tandis qu’Irva se voue à une vie de recluse, Alva l’exploratrice parcourt fiévreusement les rues d’Entralla –une cité prise de folie qui n’est pas sans ressembler aux villes d’aujourd’hui– et rapporte à sa sœur la réalité extérieure à domicile.
Ami des labyrinthes et des simulacres, Edward Carey, maître de l’ironie fantasmagorique, parvient une fois encore à donner vraisemblance à l’invraisemblable, vie aux reflets et mirages, beauté au désastre.