Mon livre surprise
Lettre sur le commerce de la librairie
On ne lit pas un texte parce qu'il serait "utile", ni même "important". On le lit pour ce qu'il nous apprend, et met en mouvement en nous-même.
Qui pour douter de notre attachement au livre, si nous lui devons le meilleur de nous-mêmes, de notre apprentissage de l'imaginaire, de ce qui transcende notre rapport au monde ?
Seulement voilà: le livre a une histoire. Les dangers, la complexité, ne sont pas d'aujourd'hui. Et ce qu'on veut nommer "chaîne du livre" pour en figer les acteurs n'a jamais eu de pérennité. Le métier d'éditeur ne se distinguait pas, autrefois, du métier de libraire. La littérature et le poids d'un auteur n'attendaient pas le système des "droits d'auteur".
Il n'y a aucune obligation militante à revenir à Diderot. Il ne nous donne pas de leçon pour aujourd'hui. On n'en sort pas avec plus de certitudes.
C'est un travail de question, de dépli. On sépare l'objet commercial de l'objet nécessaire. On interroge les temps, d'écriture, de circulation. On examine la question du littéraire par rapport à la question de l'industrie. On met en perspective le rôle régulateur de l'État, et les questions liées à la censure.
Ce qui est fascinant, dans le "plaisir" qu'on a chaque fois à lire Diderot, c'est que finit ici la fable comme quoi les gentils auteurs s'occuperaient de leurs histoires, et sourire aux tables des salons du livre à pots de fleur, et que de l'autre côté des gens sérieux, parce qu'ils s'occupent des flux économiques, seraient en charge des choses savantes.
Diderot s'embarque dans la partie savante, mais il le fait du point de vue l'auteur. Ce qui est fascinant, parfois jusqu'au vertige quand on considère la modernité et l'actualité de ses formulations, même dans la mutation accélérée que nous abordons, c'est la façon dont il ouvre et nous présente une complexité nécessaire.
Tout du long de ce texte géant, on aura ces brillances, ces inquiétudes, qui rejaillissent sur la légitimité de ce qu'on fait, et pourquoi on s'y a