Mon livre surprise
Le voyageur et son ombre
On est en 1879. Pendant tout le printemps et l'été, Nietzsche retrouve sa montagne, à Saint-Moritz. L'année précédente, il a bouclé l'ouvrage de sa maturité, "Humain, trop humain. Un livre dédié aux âmes libres." C'est la même matière, les notes accumulées, qui vont devenir ce monument de pensée concrète, l'art mordant du fragment.
Si "Humain, trop humain – opinions et sentences mêlées" sont un combat dans la philosophie, les 350 fragments que Nietzsche reprend, organise, radicalise pendant son séjour à Saint-Moritz (leur premier titre est d'ailleurs "Suites de Saint-Moritz"), abordent l'art d'écrire (et quoi lire, et la lecture à haute voix, et le style etc.), la musique et les compositeurs, aussi bien le droit de punir, le devoir de faire la guerre, et partout l'aventure de la pensée.
Publié en 1880 sous son titre définitif "Le voyageur et son ombre", les deux dialogues de début et de fin, entre le voyageur et l'ombre, font de ces 350 fragments, d'une ligne ("Toute parole est un préjugé.") à deux ou trois pages (mais rarement) comme une rêverie incisive et tonique, où l'art et la vie quotidienne représentent la confrontation directe. Et les leçons d'Épicure en antidote aux pesanteurs religieuses.