Mon livre surprise
Le colloque des bustes
Bernard Comment a le génie des situations embarrassantes et, chez lui, le malaise est susurré plus qu'il n'est affirmé. Une formule qui rend son propos diablement efficace. Dans une société qui est la nôtre sans l'être tout à fait, si proche pourtant, le narrateur n'est plus tout à fait lui-même. Même s'il a su garder toute sa tête. "C'est ce qui me choque le plus, à la réflexion, de pouvoir continuer de vivre en n'ayant gardé que la moitié ou à peine plus de mon volume initial, une existence réduite à sa plus simple expression." On ne saurait mieux dire et notre narrateur n'aurait sans doute, aux yeux des "gens normaux", aucune valeur si l'inventivité du marché de l'art n'avait fait de ses hommes troncs un objet de collection. Cinq "bustes" vont ainsi se rencontrer lors d'un colloque, cinq "bustes" sélectionnés pour leurs qualités "artistiques" et temporairement prêtés par leurs collectionneurs respectifs. C'est, pour le narrateur, un événement, qui tranche avec ses habitudes de vie. L'occasion pour lui de rencontrer Lucille, celle qui aura pour mission de l'accompagner durant la durée du colloque. D'une écriture qui ne fait l'impasse ni sur la légèreté, ni sur la férocité, qui mélange les deux souvent pour tendre le propos d'un certain cynisme, Bernard Comment ne nous cache rien de cet homme réduit de moitié qui pense que "l'humour est la dernière richesse des démunis". Et qui, à l'opposé du légume, garde en lui une part de désir, une part de révolte, propre à faire de lui un homme debout. --Hector Chavez