Mon livre surprise
50 dessins pour assassiner la magie
C'est en 1938, à l'asile de Ville-Évrard, écrit Artaud, que j'ai construit mes premiers " gris-gris. Sur de petites feuilles quadrillées de papier perdu d'écolier je composai de passives figures, comme des têtes ravagées d'asthmes, d'affres et de hoquets " (Suppôts et Suppliciations). Un an plus tôt déjà, avant son départ pour l'Irlande, il avait commencé à adresser à ses correspondants des " Sorts ", missives conjuratoires ou agressives mêlant textes et dessins sur des feuilles volontairement trouées et brûlées. Dans une note de février 1947, il indiquera : " Le but de toutes ces figures dessinées et coloriées était un exorcisme de malédiction, une vitupération corporelle contre les obligations de la forme spatiale, de la perspective, de la mesure, de l'équilibre, de la dimension [...]. Et les figures donc que je faisais étaient des sorts - que je brûlais avec une allumette après les avoir aussi méticuleusement dessinées. " Dessiner, on le voit, a plus d'une fois rimé pour Artaud avec assassiner. De quoi s'agit-il pourtant, en janvier 1948, lorsque, répondant à la demande de Pierre Loeb, il rédige ce texte : " 50 dessins pour assassiner la magie " ? À sa sortie de l'asile psychiatrique de Rodez, Artaud avait exposé ses " portraits et dessins " dans la galerie parisienne de Pierre Loeb. " Peu de temps avant sa mort, écrit Pierre Loeb, je lui avais suggéré un ouvrage sur les curieux dessins que l'on voit souvent en marge ou dans le texte même de ses derniers cahiers. Nous les avions choisis ensemble pour accompagner son texte : "50 dessins pour assassiner la magie". Sa brusque fin interrompit ce projet et il n'a pas dépendu de moi que sa volonté n'ait été " faite "...