29 Jours avant la fin du monde», de Gerald Messadié

Un roman à peine prophétique...

Gerald Messadié, auteur déjà de plusieurs livres à succès (notamment «L'homme qui devint Dieu», en trois volumes, et « Histoire générale du diable»), a lancé à la fin de notre entretien une phrase qui pourrait presque lui servir de devise : Si vous voulez être entendu, soyez courtois, c'est-à-dire agréable et divertissant. Elle explique en tout cas pourquoi «29 Jours avant la fin du monde» est un roman haletant, passionnant, et non un essai sur la manière dont notre monde se fragilise. Je n'aurais pas atteint trois mille personnes si j'étais resté sur le plan des idées. Autrement dit, Gerald Messadié espère beaucoup plus de lecteurs, et il pourrait bien les trouver. Un roman comme celui-ci, qui se dévore à la manière d'un bon suspens, a en effet tout pour plaire - et en même temps il fait réfléchir.

Une émission de télévision pirate, des émissions de voix déstabilisantes, la création d'illusions optiques grâce aux hologrammes, une bactérie mangeuse de câbles, des transferts et des disparitions de sommes colossales... Ce sont quelques-unes des manifestations d'un terrorisme inédit, qui frappe sans violence mais qui prouve néanmoins sa redoutable efficacité en réduisant à néant, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, quelques-unes des belles certitudes nouvelles engendrées par les progrès les plus récents de la technologie.

Pour Gerald Messadié, c'est clair : le chemin pris par notre civilisation, s'il n'est pas nécessairement pavé de mauvaises intentions, génère ses propres pièges. Et, au risque de passer pour rétrograde - ce dont sa forte personnalité l'empêche probablement de souffrir le moins du monde -, il rompt quelques lances contre les plus spectaculaires des modes. Les autoroutes de l'information sont une pure arnaque financière, lance-t-il, ajoutant : Je veux bien qu'on communique, mais on ne communique pas vraiment. Et ce déluge d'information qu'on nous propose en échange de la communication, à qui sert-il ? A quoi ? Une grande part des communications sur Internet porte sur la manière d'utiliser le réseau. Qu'est-ce que ça donne ?

D'un point de vue général, le danger vient, à ses yeux, de la manie de la globalisation, et de toutes les manières : il n'y a plus une maladie qui ne voyage autour du globe, par exemple. Les rapports humains s'en trouvent faussés, les valeurs ne sont plus ce qu'elles étaient... sauf peut-être au Japon, dernier bastion de l'honneur et de l'héroïsme. Et, par conséquent, conclusion logique d'Albert Dieudonné qui enquête sur le nouveau terrorisme de «29 Jours avant la fin du monde», source évidente de tous les tracas évoqués dans le roman. Reste à savoir s'il faut enrayer l'action de ces fanatiques, ou les encourager. On sent de la sympathie pour des préoccupations communes...

Gerald Messadié ne prétend pas adopter les points de vue de ses personnages. Je suis un provocateur, dit-il, et il se charge de réveiller les gens. Si on vous dit une chose, c'est une idée reçue. Réfléchissez, c'est mon seul message.

Quant au cadre technologique, le journaliste de «Science et Vie» qu'il fut pendant plus de trente ans n'avait qu'à regarder autour de lui pour le trouver : Tous mes trucs sont faisables ! De quoi donner à penser.

PIERRE MAURY